Présentation générale

 


Liliane Klein-Lieber

Liliane Klein Lieber est Présidente d’Honneur de la Coopération Féminine et présidente de l’association des enfants cachés (Enfants Cachés ; Association loi 1901 ; 17 rue Geoffroy-l'Asnier ; 75004 Paris - Tel/Fax: 01 42 78 60 30).

Liliane Klein-Lieber nous a fait l’amitié de nous offrir un de ses témoignages que nous reproduisons ci-dessous :

Je suis née à Strasbourg en 1924 dans une famille juive de vieille souche alsacienne appartenant à la grande communauté consistoriale. Cependant, notre manière de pratiquer le judaïsme relèverait d'avantage, aujourd'hui, de celle pratiquée dans une communauté libérale. Nous étions alors des français israélites, devenus au cours des ans français juifs et enfin …juifs français. Mon père, homme rigoureux et de devoir, était d'une grande générosité en faveur des "œuvres", agissant avec une extrême discrétion. J''ai découvert bien plus tard combien il avait participé à la construction d'institutions importantes de notre communauté : hôpital, foyer de jeunes filles et autres. Au début des années 30 mes parents m'avaient fait adhérer au mouvement des Eclaireurs Israélites de France (EIF), tout comme l'était déjà Jacqueline mon aînée. Je leur en suis reconnaissante aujourd'hui encore, car nos chefs étaient des femmes et des hommes de grande valeur dont les noms se retrouvent à travers l'histoire des Juifs de France durant la seconde guerre mondiale. Ils nous ont enseigné, par l'exemple, ce que signifient fraternité, solidarité, hospitalité, courage.

1933, c'est la montée du nazisme. Toute jeune encore, je sentais de façon plus ou moins consciente, qu'un danger menaçait notre pays, les juifs en particulier. Nous entendions à la "TSF" les harangues de Hitler vociférant sa haine des juifs. Je me souviens de mes peurs, car l'Allemagne est bien proche de Strasbourg ; au bout de la ville seul le Rhin, nous en sépare. Dans ces années là je me fais de nouvelles amies juives, tant au lycée qu'aux EIF. Elles viennent d'Allemagne, d'Autriche, de Pologne. À la même époque, mes parents accueillent, pour des séjours plus ou moins longs, des amis juifs allemands. Certains s'installent à Strasbourg, d'autres transitent pour aller plus loin, en France ou même outre Atlantique.

Le 3 septembre 1939, c'est la guerre. Strasbourg est évacuée Nous nous replions à Vichy y ayant de la famille et, de plus, cette "ville d'eau" offre de grandes possibilités de logements et d'établissements scolaires. Une synagogue aussi, qui devient rapidement le point de rencontres de nos coreligionnaires ; un groupe d'EIF s'y forme très vite. J'y adhère tout naturellement.

Cet hiver est celui de la "drôle de guerre". Il est rigoureux, je tricote gants et chaussettes de laine pour les soldats et poursuis mes études au collège de Cusset distant de cinq kilomètres franchis en bus ou à vélo, selon la météo. Mai 1940, l'Armistice, l'exode. Durant quelques semaines je participe avec tous les jeunes de Vichy à l'accueil et l'installation, certes provisoire, de toutes ces personnes arrivant, épuisées, en train ou par route, du Nord de la France et de Belgique. Le 3 octobre 1940 est promulgué le premier statut des Juifs. Le 2 Juin 1941 le second. Mon père pressent le pire pour tous les juifs, quelle que soit leur origine. Il a raison, car après les juifs étrangers, les juifs français subissent le même sort. En novembre 1941, nous sommes "invités" à quitter Vichy qui doit devenir " jùdenrein ". C'est à Grenoble que nous nous installons pour y retrouver des membres de ma famille paternelle dont les ancêtres avaient quitté l'Alsace après la guerre de 1870. Août 42, les allemands envahissent la zone sud,-(la France avait été coupée en deux zones :nord et sud ), mais Grenoble a le privilège d'être -provisoirement- en zone italienne, zone qui longe la côte alpine jusque dans le midi et les italiens ne mènent pas la même politique antisémite que les allemands. Cette troisième zone n'a duré que jusqu'en septembre 43, hélas. En Août 42, après la grande rafle du Vel.d'Hiv à Paris et lors de celles de la zone sud, Robert Gamzon, fondateur des EIF, mieux connu par son totem, Castor, réunit tous les responsables EIF à Moissac, dans le sud-ouest du pays où se trouve la première maison d'enfants créée par les EIF, car il a su de bonne source que tout le territoire était menacé. Les EIF relevant à cette époque de " la 4ème direction jeunesse, 6ème division scoutisme " de l'UGIF (' Union Générale des Israélites de France). Les EIF doivent se mobiliser afin de participer au sauvetage des Juifs, des enfants en particulier, ceux dont les parents sont internés dans les camps en France ou déjà déportés. Le jour même, la Sixième, réseau clandestin des EI est créée. Je suis affectée pour la région de Grenoble à la fonction " d'assistante sociale ". Cette tâche consiste à la recherche de " planques " pour ceux que nous devons cacher, les nantir de faux papiers et assurer avec eux un suivi aussi régulier que possible, créer même un lien affectif, car souvent ils se croient abandonnés tant la séparation d'avec leurs parents a été brutale. Il faut les aider aussi, sans se trahir ni trahir ceux qui leur ouvrent si généreusement leurs portes, à conserver fidèlement leur identité juive. A Grenoble, pour la recherche de planques et de faux-papiers, la solidarité a été remarquable, que ce soit avec les scouts laïcs et religieux ainsi qu'avec Notre-Dame de Sion et d'autres encore. Plus tard hélas, la Libération n'est pas la joie pour ces enfants cachés qui ont vécu des années dans l'espoir de retrouver leurs parents, alors que la plupart d'entre eux doivent réaliser qu'ils sont désormais orphelins de l'un, mais plus généralement des deux parents.

Mais la vie devait petit à petit reprendre un cours normal. Fin 44 je me marie et après de brèves études j'entre dans la vie active et donne naissance à trois fils. Aujourd'hui je suis l'heureuse grand mère de 7 petits-enfants ,3filles et 4 garçons. Je conserve cependant avec quelques uns de ces anciens enfants cachés des liens très étroits et affectueux qui perdurent jusqu'à ce jour.

Dans le début des années soixante, lors de l'arrivée massive des réfugiés d'Afrique du Nord,j'ai été contactée par trois anciennes EI, Jacqueline Lévy-Willard, Micheline Trèves et Aline Munnich, -toutes trois hélas disparues, afin d'envisager la création d'un mouvement de femmes bénévoles au sein de la communauté juive. L'aventure extraordinaire de la Coopération Féminine était lancée avec le soutien du Fonds Social Juif Unifié (FSJU) qui nous déléguait pour ce faire, une grande " pro ", Yvette Kalmanowicz. Cette merveilleuse aventure a pris fin pour moi en Juin 2003 mais continue bien entendu. La réalisation - à mes yeux -la plus importante, sans pour autant minimiser le travail extraordinaire réalisé par tous les groupes, année après année : soutien scolaire, visites à domicile aux personnes âgées, visiteurs dans les prisons, aide aux familles monoparentales, aide au centre de jour " Edith Kremsdorf ", pour personnes atteintes de maladies dégénératives, organisation d'activités culturelles et de loisirs et de vacances annuelles pour handicapés mentaux, etc. aura été le Centre d'aide par le travail (CAT) :Les Ateliers de la Coopération, qui reçoit 58 travailleurs handicapés mentaux, répartis en 3 ateliers de conditionnement et une petite imprimerie..

Durant toutes ces années j'ai eu l'occasion de participer à la création du Centre National en Volontariat avec Jacqueline Cousté, j'ai représenté le scoutisme féminin à l'UNESCO, l'adhésion de la Coopération Féminine au Conseil National des Femmes Françaises(CNFF) m'a donné l'occasion de tisser des liens très enrichissants avec des femmes de milieux et de formation et d'origines diverses, qui m'ont énormément enrichie.

Le soutien à ce CAT, l'Association les Enfants Cachés et Les Anciens de la Résistance Juive en France, sont les activités qui sont encore pour moi, en dehors de ma famille et de mes amis, source d'intérêt de joie et de satisfactions.

Liliane KLEIN-LIEBER